Vaste sujet.
Je vais tenter ici d’y répondre en posant une question simple : et si la responsabilité n’était pas un axe de communication, mais un socle stratégique ? Pas une promesse en vitrine, mais une transformation en profondeur. Une exigence culturelle, opérationnelle, narrative. Et surtout, un levier de crédibilité dans un monde où l’impact se mesure, se planifie, se prouve.
Bâtir une marque responsable, ce n’est pas surfer sur les attentes sociétales : c’est repenser son modèle, du produit jusqu’au récit. Le développement durable n’est pas un supplément d’âme. C’est un impératif moral tout d’abord, sociétal ensuite, et bien entendu stratégique pour les marques. En faire l’économie, c’est prendre le risque de se mettre hors-jeu – économiquement, socialement, culturellement.
Pour nous, les marques sincères seront les seules à survivre.
Nous sommes convaincus que celles qui réussiront demain sont celles qui auront su faire de la transition un levier de sens, de performance et d’innovation.
Mais encore faut-il savoir de quoi on parle vraiment.
S’engager vraiment : pourquoi le développement durable mérite mieux que du cosmétique
Avant d’annoncer une démarche “responsable”, il faut en comprendre les fondements. Le développement durable, tel que défini pour la première fois par Gro Harlem Brundtland (1ère ministre de la Norvège) en 1987, vise « un mode de développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. »
Ce n’est pas une mode. C’est une boussole. Et elle repose sur quatre piliers indissociables :
- Environnemental : réduction de l’empreinte carbone, gestion des ressources, mobilité bas carbone, éco-conception…
- Social : respect des droits humains, équité, qualité de vie au travail, inclusion.
- Sociétal : ancrage local, soutien à l’économie territoriale, engagement solidaire.
- Gouvernance : transparence, éthique, dialogue avec les parties prenantes.

Gro Harlem Brundtland pose la définition internationale officielle du « développement durable » à la tribune de l’ONU en 1987
Vous connaissez déjà certaines déclinaisons : commerce équitable, produits bio, compensation carbone … Des actions parcellaires qui ne se concentrent que sur l’impact des activités sur un ou deux piliers.
Le développement durable, lui, est une vision qui associe tout ça pour en faire un cercle vertueux.
Or, ignorer ces piliers et cette vision globale, c’est courir un double risque.
Un monde en mutation rapide
Premièrement, le risque est opérationnel. Le dérèglement climatique bouleverse les chaînes d’approvisionnement des matières premières, rend volatiles les coûts et impose de nouvelles réglementations (ex. CSRD, taxonomie verte, devoir de vigilance). L’Europe ne badine plus avec l’inaction.
Deuxièmement, le risque est réputationnel. Les nouvelles générations, les salariés, les clients comme les investisseurs attendent des marques qu’elles aient un rôle à jouer. Les valeurs d’impact, d’authenticité, de contribution sont devenues centrales. Les marques silencieuses ou incohérentes s’exposent à une défiance croissante – sur les réseaux, dans la presse, dans les recrutements.
Près de 97% des français envisagent de pouvoir boycotter une entreprise qui aurait de mauvaises pratiques environnementales ou sociales selon le cabinet Denjean & Associés et GoudLink.
Mais par où commencer, et comment ne pas se tromper ?
Au fond, nous observons que les démarches réussies reposent toujours sur trois fondations : durabilité, crédibilité, utilité.
La durabilité : se lancer c’est déjà gagner
Ça semble logique, mais ce qui va sans dire va mieux en le disant : il faut s’engager dans les 4 piliers. Environnement, social, sociétal et gouvernance : c’est tout ou rien si on veut se prévaloir d’une véritable stratégie de transformation.
Le développement durable ne se décrète pas, il s’inscrit dans le projet d’entreprise : il doit irriguer la stratégie de marque, les produits, les modèles économiques, les RH. C’est ce qui différencie les marques opportunistes de celles qui se transforment profondément.
Difficile de s’engager pour toutes les causes, on est d’accord. Le plus important est d’avoir une vision globale des impacts de l’activité car tout est interconnecté, telle une toile d’araignée.
Astuce pour les débutants : identifiez ce que vous faites déjà bien et listez les actions pour vous améliorer en vous donnant des objectifs (temps, moyens, résultats).
Mais attention, une action en faveur du pilier social ne doit pas avoir pour 2e effet kisscool une augmentation de l’empreinte environnementale ! Un conseil : travaillez en équipe.
Un exemple inspirant ? Patagonia, dont la mission “We’re in business to save our home planet” structure l’ensemble des décisions, jusqu’au choix de son actionnariat. Plus proche de nous, Camif a fait le choix de ne vendre que des produits fabriqués en France ou issus de circuits courts, en refusant le Black Friday. Une posture cohérente avec son ADN et lisible pour ses publics.
La crédibilité : ne pas dire plus qu’on ne fait
La crédibilité est un véritable travail de longue haleine qui se construit doucement mais sûrement et qui permettra de déclencher la confiance chez vos cibles.
Elle se construit d’abord sur la sincérité de votre démarche : vous lancez une nouvelle gamme de produits “verts” pour un monde meilleur, mais vous acheminez les matières premières par avion ? Vous n’arriverez pas à le cacher bien longtemps et irez tout droit vers le game over.
Les reportings, fichiers excel à rallonge, c’est parfois une obligation mais c’est encore mieux quand ils sont expliqués et certifiés par un organisme externe. C’est un peu comme se mettre à nu : il ne faut rien avoir à cacher et donner preuve de son engagement.
Tippagral, client de l’agence, a repensé ses locaux sociaux en intégrant les codes de sa marque employeur, dans une logique de cohérence et d’attractivité RH. Fin 2023, elle a par la suite réalisé un audit énergétique cofinancé par l’ADEME et s’est engagée, de manière volontaire, dans une démarche Bilan Carbone dès 2024. Une trajectoire structurante qui porte déjà ses fruits : en mai 2025, preuve de son engagement, Tippagral a obtenu une note de 75/100 à l’évaluation EcoVadis, niveau “Argent”, saluant ses efforts sur quatre volets clés : environnement, droits humains, éthique et achats responsables.
Et enfin, cerise sur le gâteau : le PAR-TI-CI-PA-TIF
Et oui, quand on travaille en sollicitant ceux qui sont concernés, que ce soit en interne ou en externe, ça permet d’ouvrir ses chakras à d’autres façons de faire, ça stimule l’innovation et ça favorise l’advocacy. Vos parties prenantes seront vos premiers ambassadeurs, ils auront véritablement co-construit la démarche avec vous et sauront dire aux autres : “je les connais, je sais ce qu’ils font vraiment, et ils font bien”.
Bingo, c’est gagné ! Vous aurez fait la preuve de la cohérence entre discours et actes.
L’utilité : être à sa juste place dans la société
Une marque responsable ne cherche pas à cocher des cases : elle cherche à être utile. Utile à ses clients, à son écosystème, à son époque. Rien ne sert de se lancer dans un grand chantier dont l’impact sera quasi nul.
Cela suppose aussi de revoir ses priorités, ses représentations, parfois ses récits.
C’est là tout l’enjeu de l’évolution culturelle des marques. Pendant des décennies, la réussite a été symbolisée par une Rolex, un SUV, une tour à la Défense. Aujourd’hui, ces icônes vacillent. Et c’est aux marques de proposer de nouveaux imaginaires : celui du collectif, de la sobriété choisie, de la quête de sens.
La communication est un levier de transformation, pas de poudre aux yeux
Il est temps de sortir d’une “vision tardive” de la com. Trop souvent perçue comme l’ultime vernis d’une politique RSE, elle est en réalité structurante dès l’amont. Elle permet :
- d’embarquer les collaborateurs à chaque étape de la transformation et de rendre compte aux parties prenantes ;
- de structurer une plateforme de marque responsable, avec un nom, un récit, des preuves, un plan d’activation ;
- de veiller à un discours humble, transparent et inspirant ;
- de former et outiller les référents internes pour diffuser la culture de la durabilité.
Sans oublier de rester cohérent : on adopte des papiers recyclés, on veille au poids de son site Internet, on limite les objets inutiles… Ça n’empêche pas la créativité, on vous promet !
Par exemple, l’Oréal, dont la démarche « L’Oréal for the Future » n’est pas qu’un manifeste externe : c’est un programme déployé à tous les niveaux de l’entreprise, avec des narratifs adaptés à chaque public (collaborateurs, fournisseurs, clients), des relais formés dans chaque entité, et une plateforme identitaire forte, conçue pour durer. Ce n’est pas la communication qui vient habiller la stratégie : c’est elle qui lui donne corps, qui la rend actionnable, appropriable, mobilisatrice.
C’est dans cette logique que la communication devient un levier de transformation : elle met en récit le réel sans le déformer, elle crée des repères et elle fédère autour d’un horizon commun. Et surtout, elle permet à la marque de tenir une promesse dans le temps. Sans ça, l’engagement reste une déclaration d’intention… vite oubliée.
Greenwashing : quand l’apparence d’engagement vous explose à la figure
Face à l’urgence écologique et sociale, la tentation est grande pour certaines marques de verdir leur image sans transformer leur modèle. De revêtir un discours responsable… sans en assumer les actes. C’est le principe même du greenwashing, et il coûte de plus en plus cher – en réputation, en confiance, parfois même en justice.
Les exemples sont nombreux et documentés. H&M et ses collections “Conscious” peu traçables. Volkswagen, pionnier du “diesel propre”. Nestlé, vantant la recyclabilité de ses emballages tout en restant l’un des plus grands pollueurs plastiques au monde. Ces cas ne relèvent plus de l’anecdote. Ils ont changé la donne.
Aujourd’hui, le greenwashing n’est plus un mauvais calcul de communication. C’est un risque systémique pour la marque : perte de crédibilité, défiance des consommateurs, démobilisation des équipes, surveillance des ONG, sanctions juridiques. Le site The Sustainable Agency recense une multitude de ces faux pas emblématiques, devenus autant de signaux d’alerte pour la profession.
Car le greenwashing ne trompe plus personne. Il décrédibilise les démarches sincères, il pénalise les acteurs engagés, et surtout, il fragilise la relation entre la marque et ses publics – une relation déjà sous tension à l’heure où la demande d’authenticité n’a jamais été aussi forte.
Pour conclure,
le développement durable n’est pas un sujet annexe.
C’est le cœur battant des marques du XXIe siècle. Intégré avec crédibilité et utilité, il devient un levier d’attractivité, d’engagement, de fidélisation. Selon moi, ce sujet ne se traite ni à la marge, ni à la fin. Il exige une cohérence narrative, une rigueur stratégique, un vrai courage éditorial.
Bâtir une marque responsable, ce n’est pas cocher des cases, c’est engager une transformation sincère et structurée. Et notre rôle d’agence, aujourd’hui, c’est de contribuer à cette bascule. En aidant les marques à formuler ce qu’elles veulent vraiment incarner, à structurer leurs engagements, à trouver les bons mots, ceux qui n’exagèrent rien, mais qui posent une trajectoire.
C’est exigeant, parfois inconfortable. Mais c’est aussi là que se joue la crédibilité des marques, et leur capacité à durer.